Garde d'enfants pendant le confinement : quels droits pour les parents séparés ? - Covid 19

Quid du respect des droits de visite et d'hébergement ?

· Famille,Covid-19

Résumé :

Dans le contexte de crise sanitaire actuel, comment les droits des parents confinés et séparés s’appliquent-ils ? L’intérêt supérieur de l’enfant et le respect des droits liés à l’autorité parentale doivent primer à la vue de cette situation hors du commun. Au regard du communiqué du Ministère de le Justice du 2 avril 2020, les droits de visites et d’hébergement ne sont pour autant pas suspendus et tout refus d’appliquer les décisions de justices déjà rendues peut-être considéré comme un délit au regard du droit français. Les droits de visites et d’hébergements doivent donc se poursuivre en respectant les règles sanitaires en vigueur et en faisant appel à la responsabilité et à l’intelligence de chaque parent.

Depuis plusieurs semaines, face au risque sanitaire lié au COVID-19, chaque parent vit le confinement avec son/ses enfant(s) à son domicile ; les établissements scolaires étant fermés depuis le 13 mars 2020.

Mais qu’en est-il des parents séparés ?

De nombreux parents séparés s’inquiètent en effet des conséquences de la décision de confinement annoncée pour lutter contre l’épidémie du COVID-19 sur l’exercice du droit de visite et d’hébergement et l’organisation de la résidence alternée des enfants. Diverses questions se posent donc : Ai-je le droit de me déplacer pour récupérer ou ramener mon enfant chez l’autre parent ? Suis-je en droit de refuser de confier mon enfant à l’autre parent malgré une décision de justice ? Quelles peuvent être les conséquences d’un tel refus ?

Face à cette situation inédite, et compte tenu notamment de la fermeture des tribunaux et les interventions plus ou moins suspendues des forces de l’ordre sur ce sujet, il revient à chacun de faire preuve de bonne intelligence et de conserver comme unique priorité l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il est donc nécessaire de réfléchir et d’agir au cas par cas.

Des directives ont été données par le gouvernement, ne pouvant laisser place à interprétation, ce que l’avocat peut recontextualiser et vous expliquer en fonction de chaque cas d’espèce.

Alors quelles sont ces règles énoncées par le gouvernement français ?

1.

Faisons pour commencer un tour d’horizon de ce qu’a pu déclarer le gouvernement au sujet des droits de visite et d’hébergement ces dernières semaines.

Tout d’abord, au regard du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et plus particulièrement à l'article 3, 4°, prévoyant le cas des gardes d'enfants :

les « déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants » sont autorisés.

D’autre part, Madame SCHIAPPA, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, a également pu déclarer sur les réseaux sociaux le 16 mars 2020 :

« Pour répondre à la question qui m’a été posée (légitimement) des centaines de fois : Oui, les parents séparés peuvent aller chercher, déposer ou ramener leurs enfants chez l’autre parent. »

Enfin, le Ministère de la Justice s’est exprimé sur la question, publiant un communiqué de presse le 2 avril 2020, disponible sur le site « justice.gouv.fr », énonçant :

« Pendant la période de confinement, le droit de visite et d’hébergement des enfants continue de s’appliquer. Les enfants doivent donc en principe se rendre chez l’autre parent selon les modalités prévues par la décision de justice.

Toutefois, le droit de visite et d’hébergement doit s’exercer en respectant les consignes sanitaires :

  • limiter les déplacements de l’enfant, en particulier sur de grandes distances ;
  • éviter que l’enfant prenne les transports en commun pour aller du domicile d’un parent à l’autre ;
  • éviter que l’enfant soit au contact des personnes vulnérables.

Pour cela, les parents peuvent se mettre d’accord pour modifier leur organisation de façon temporaire en vue de limiter les changements de résidence de l’enfant. Par exemple, une résidence avec alternance chaque semaine peut provisoirement être remplacée par une alternance par quinzaine.

Par ailleurs, tous les droits de visite à la journée, au domicile de tiers ou avec l’assistance de tiers doivent être suspendus. Les espaces rencontre sont actuellement fermés. »

En d’autres termes, les droits de visites et d’hébergement ne sont pas suspendus.

2.

En conséquence, les parents séparés ou divorcés peuvent légitimement se déplacer pour récupérer ou ramener leurs enfants au domicile de l’autre parent.

Pour cela, chacun devra se munir de l’attestation de déplacement dérogatoire mise en place par le gouvernement, et ce pour justifier leur déplacement entre les deux domiciles.

Il sera aussi conseillé à chacun de tenir à disposition des forces de l’ordre effectuant les contrôles, le jugement ou toute décision, précisant les modalités relatives à la garde de leurs enfants.

Et dans l’hypothèse où aucune mesure n’aurait encore été mise en place entre les parents, ni statué par une juridiction, un accord amiable écrit peut également suffire.

3.

Après avoir défini les modalités de mise en œuvre de ces échanges, une dernière interrogation demeure : ce que chacun encourt en cas de refus de remise de l’enfant.

En effet, les mesures de confinement actuelles peuvent être néanmoins, pour certains, un prétexte pour tenter de priver l’autre parent de l’exercice de son autorité parentale.

D’autant plus s’il existe d’ores et déjà des conflits préexistants entre les parents.

Il convient donc de veiller à ce que cette situation exceptionnelle ne tourne pas en abus.


Et ce d’autant plus à la veille des vacances scolaires, qui va probablement susciter un peu plus de tension, plusieurs semaines s’étant déjà écoulées pour certains sans avoir pu voir leurs enfants.

A ce titre, on rappelle que l’autorité parentale est définie à l’article 371-1 du Code civil, énonçant :

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

Le contexte actuel de crise sanitaire ne saurait donc pouvoir mettre à mal ces règles de l’autorité parentale.

Dans l’hypothèse où l’enfant serait malade et/ou fragile, il sera évidemment de l’intérêt supérieur de ce dernier qu’il reste au domicile d’un des parents à long terme.

Mais il ne s’agit là que d’une exception.

Comme avancé par le Ministre de la Justice, il convient de déroger aux règles mises en place jusque-là, privilégiant une organisation différente, soit un partage de garde toutes les deux semaines, au lieu d’une par exemple, ou encore d’éviter les longs déplacements et de privilégier tout autres modes de communication.

Bien que les forces de l’ordre ne puisse pas systématiquement intervenir pour imposer le respect de ces droits liés à l’autorité parentale de chacun, il convient de rappeler que tout refus de remise de l’enfant peut être considéré en droit français comme un délit.

En effet, on rappelle à ce titre que l’article 227-5 du Code pénal définit ce délit de non-représentation d’enfant, indiquant :

« Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

A travers son communiqué du 2 avril 2020, le Ministère de la Justice a d’ailleurs rappelé la définition de ce délit.

Ainsi, chaque parent se refusant, sans motif légitime, de remettre l’enfant à l’autre parent, s’expose au risque de faire l’objet de poursuites pénales.

*

En conclusion, il revient à chacun de prendre ses responsabilités, et notamment d’envisager les conséquences que pourraient avoir les décisions prises, tant sur l’autre parent, que sur l’enfant lui-même.

L’intérêt supérieur de l’enfant doit être la priorité de chacun, et la communication entre les parents la seule et unique solution face à la situation actuelle.

Mais en aucun cas, la crise sanitaire liée au COVID-19 ne saurait pouvoir légitimer la transgression de droits tels que les droits de visite et d’hébergement et plus largement les droits liés à l’autorité parentale d’un parent séparé ou divorcé.

Louise THOME

Avocat Associée

thome.louise@avocat-conseil.fr