La responsabilité contractuelle pour faute de l’architecte à l’égard du maître d’ouvrage public persiste, même après une réception sans réserve des travaux, pour défaut de conseil lors des opérations de réception

· Construction,Public

Hormis l’hypothèse d’une dérogation contractuelle, la réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage public et le maître d’oeuvre. En pareille hypothèse, le maître d’ouvrage public n’est plus en mesure d’actionner la responsabilité contractuelle du maître d’oeuvre en raison de ses propres fautes de conception ou dans la surveillance des travaux.

Ce principe ne fait cependant pas obstacle à toute une action en responsabilité contractuelle par le maître d’ouvrage public, en particulier lorsqu’elle trouve son fondement dans un manquement du maître d’oeuvre à son obligation de conseil lors des opérations de réception.

Le juge administratif considère, en effet, que le maître d’ouvrage public peut, même après la fin des relations contractuelles, actionner la responsabilité contractuelle pour faute du maître d’oeuvre lequel, lors des opérations de réception, s’est abstenu d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur l’existence d’un vice dont il avait connaissance et qui, de ce chef, aurait pu faire l’objet d’une réserve à la réception ou d’un refus de réception. Le principe est ancien pour avoir été admis dès 1965 (Conseil d’Etat, 15 décembre 1965, n° 64753, publié).

Il a été formulé en 2011 dans un arrêt mentionné aux tables du Lebon comme suit :

"Considérant, en premier lieu, que la responsabilité des maîtres d’oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ; qu’il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d’oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier"

Conseil d’Etat, 28 janvier 2011, n° 330693, mentionné aux tables.

Dans un arrêt récent du 19 janvier 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle ces principes.

Fondée sur la faute, cette action en responsabilité suppose alors de démontrer que le maître d’oeuvre avait eu connaissance du vice en cours de chantier peu importe qu’il était ou non apparent.

A défaut d’une telle démonstration, la Cour rappelle que l’action ne peut pas aboutir :

"9. Considérant, toutefois, que la responsabilité des maîtres d’oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, même après réception des travaux, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ; qu’il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d’oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ; que la commune de Fleury-sur-Orne n’apporte aucun élément de nature à établir que le cabinet Lallouet-Debrock aurait eu connaissance des désordres décrits au point 6 avant la réception des travaux ; que, par suite, elle n’est pas non plus fondée à rechercher la responsabilité du maître d’oeuvre en raison d’un manquement à son obligation de conseil ;"

CAA Nantes, 19 janvier 2018, n° 16NT00708.

Encore faut-il ajouter que, de manière classique, l’éventuelle imprudence du maître d’ouvrage qui réceptionne sans réserve un ouvrage affecté de désordres apparents peut conduire à une exonération partielle, voire totale, de la responsabilité du maître d’oeuvre.

Maître FORTAT