Publication de la loi ELAN au JO : retour sur quelques dispositions phares

· Urbanisme,Construction,Environnement

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, « loi ELAN », a été publiée au Journal Officiel ce 24 novembre 2018. C’est l’occasion de revenir sur quelques dispositions phares, tant en droit de l’urbanisme qu’en droit de la construction.

En matière d’urbanisme, on assiste, pour l’essentiel à :

  • La réécriture du second alinéa de l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme régissant les conséquences de l’annulation contentieuse d’un plan local d’urbanisme, comme suit :

« Le plan d’occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d’illégalité. Il ne peut durant cette période faire l’objet d’aucune procédure d’évolution.
A défaut de plan local d’urbanisme ou de carte communale exécutoire à l’issue de cette période, le règlement national d’urbanisme s’applique sur le territoire communal. »

  • La suppression de plusieurs alinéas des articles L. 442-9 et L. 442-10 du code de l’urbanisme pour faciliter la modification des lotissements existants, permettre la libération du foncier non bâti et garantir la constructibilité des lots à bâtir.

S’agissant des lotissements, l’article 49 de la loi ELAN prévoit un mécanisme permettant d’assurer la constructibilité des lots en dépit de l’évolution des règles d’urbanisme :

« Lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date.
« Lorsque le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de délivrance du permis d’aménager, et ce pendant cinq ans à compter de l’achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. »

De même, les règles locales d’urbanisme peuvent être maintenues en cas d’annulation totale ou partielle d’un document d’urbanisme pour un motif étranger aux règles applicables au lotissement (article 80 de la loi ELAN).

  • La consécration législative de la possibilité de faire coexister plusieurs autorisations d’urbanismes en cours de validité sur un même terrain

L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La délivrance antérieure d’une autorisation d’urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt par le même bénéficiaire de ladite autorisation d’une nouvelle demande d’autorisation visant le même terrain. Le dépôt de cette nouvelle demande d’autorisation ne nécessite pas d’obtenir le retrait de l’autorisation précédemment délivrée et n’emporte pas retrait implicite de cette dernière. »

  • La limitation de l’intérêt à agir des associations contre les permis de construire et l’affirmation de l’originalité du contentieux de l’urbanisme par l’ajout de toute une série de mesures visant à accélérer le traitement des contentieux en la matière et à endiguer la multiplication des recours (article 80 de la loi ELAN).

Ainsi, en application de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, une association ne sera recevable à agir contre un permis de construire que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu au moins un an avantl’affichage en mairie de la demande de permis.

Est, par ailleurs, créé l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme obligeant le requérant à contester le permis modificatif ou de régularisation dans la même instance que celle introduite contre le permis de construire initial lorsque ce nouveau permis a été communiqué en cours d’instance :

« Art. L. 600-5-2. – Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. »

A noter : cet article 80 de la loi ELAN entre en vigueur « le premier jour du deuxième mois suivant la promulgation de la présente loi ».

  • La modification des règles de composition des commissions départementales d’aménagement commercial pour y faire siéger des personnalités qualifiées représentant le tissu économique (articles 163 et suivants de la loi ELAN)

De même, il est prévu d’auditionner désormais « la personne chargée d’animer le commerce de centre-ville (…), l’agence du commerce et les associations de commerçants de la commune d’implantation et des communes limitrophes ».

Aussi, la loi ELAN donne un cadre juridique à la pratique consistant à permettre au Préfet de demander aux chambres consulaires toutes études spécifiques d’organisation du tissu économique avant toute analyse du dossier.

Au demeurant, l’article 166 de la loi ELAN ajuste les critères de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale pour que soient pris en compte les spécificités du tissu économique local et « les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d’infrastructures et de transports ».

Le pétitionnaire doit alors désormais produire une étude d’impact du projet ayant pour objet d’évaluer « les effets du projet sur l’animation et le développement économique du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre, ainsi que sur l’emploi, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. » (article 166 de la loi ELAN. NB : applicable aux demandes présentées à compter du premier janvier 2019)

  • L’ajout de dispositions pour permettre au Préfet de lutter contre les friches commerciales (article 164 de la loi ELAN).

De même, le pétitionnaire devra, à compter du premier janvier 2019, démontrer qu’aucune friche existante en centre-ville ne permet l’accueil du projet envisagé (article 166 de la loi ELAN).

Au niveau local, les documents d’urbanisme comprendront un « document d’aménagement artisanal et commercial déterminant les conditions d’implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable » (article 169 de la loi ELAN)

  • L’ajout de dispositions pour permettre la construction dans les zones agricoles ou forestières du plan local d’urbanisme de projets ayant pour objet la réalisation de constructions et d’installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles (article 41 de la loi)
  • La création d’un nouvel outil d’aménagement : le « contrat de projet partenarial d’aménagement » pour permettre la réalisation d’une « Grande opération d’urbanisme » (articles L. 312-1 et suivants du code de l’urbanisme)
  • La validation « en tant que » de permis de construire antérieurs par rapport aux modalités d’application concrète de la réglementation régissant les immeubles grande hauteur lorsque les derniers étages sont des appartements en duplex, voire triplex (cf. article R. 122-2 du code de la construction et de l’habitation)

En matière de droit de la construction, le législateur est intervenu notamment pour :

  • Obliger le vendeur d’un terrain non bâti constructible situé dans une zone exposée au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, de fournir une étude géotechnique préalable (article L. 112-21 du code de la construction et de l’habitation).

Le maître d’ouvrage qui envisage de faire construire sa maison doitremettre à son maître d’oeuvre ou à son constructeur cette étude de sol avant signature du contrat confiant la réalisation de ces travaux.

L’article L. 112-22 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« Art. L. 112-22. – Avant la conclusion de tout contrat ayant pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d’œuvre d’un ou de plusieurs immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements, le maître d’ouvrage transmet l’étude mentionnée à l’article L. 112-21 du présent code aux personnes réputées constructeurs de l’ouvrage, au sens de l’article 1792-1 du code civil.
« Lorsque cette étude n’est pas annexée au titre de propriété du terrain, il appartient au maître d’ouvrage de fournir lui-même une étude géotechnique préalable équivalente ou une étude géotechnique prenant en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment.
« Les contrats prévus au premier alinéa du présent article précisent que les constructeurs ont reçu un exemplaire de l’étude géotechnique fournie par le maître d’ouvrage et, le cas échéant, que les travaux qu’ils s’engagent à réaliser ou pour lesquels ils s’engagent à assurer la maîtrise d’œuvre intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Hormis une exception, le législateur contraint, ensuite, le constructeur de se conformer, soit à une étude de sol géotechnique complémentaire tenant compte de l’implantation de la construction et de ses caractéristiques, soit à des spécifications techniques définies par voie réglementaire.

« Art. L. 112-23. – Lorsqu’un contrat a pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d’œuvre d’un ou de plusieurs immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements, le constructeur de l’ouvrage est tenu :

« 1° Soit de suivre les recommandations d’une étude géotechnique fournie par le maître d’ouvrage ou que le constructeur fait réaliser par accord avec le maître d’ouvrage, qui prend en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment ;

« 2° Soit de respecter des techniques particulières de construction définies par voie réglementaire.
« Si l’étude géotechnique indique l’absence de risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, le constructeur n’est pas tenu par cette obligation.

Ces dispositions s’appliquent notamment, aux maîtres d’oeuvre ainsi qu’aux constructeurs de maisons individuelles – CCMI.

En l’occurrence, ces derniers devront préciser dans la notice descriptive des travaux (article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation), ceux nécessaires à l’adaptation de la construction au sol par référence aux résultats de l’étude géotechnique ou aux spécifications réglementaires définies à l’article L. 112-23 du code de la construction et de l’habitation nouvellement créé.

  • Ajuster les dispositions relatives à la vente d’immeubles à construire (de type VEFA par exemple) pour décrire le rôle du garant délivrant la garantie financière d’achèvement et permettre la possibilité au maître d’ouvrage de se réserver la réalisation de travaux comme cela est consacré en matière de contrat de construction de maison individuelle (article 75 de la loi ELAN)
  • Réformer le régime du contrôle de la conformité des travaux (article 77 de la loi ELAN)
  • Définir, dans le code de la construction et de l’habitation, la préfabrication comme suit :

« Art. L. 111-1-1. – La préfabrication consiste à concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués assemblés, installés et mis en œuvre sur le chantier.
« Ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers. Ils sont produits sur un site qui peut être soit une usine ou un atelier, soit une installation temporaire jouxtant le chantier. »

Les industriels rentrant dans le périmètre de ces dispositions se trouvent donc, de manière indiscutable, soumis au champ d’application de la garantie décennale.

Enfin, il convient de relever les quelques dispositions diverses suivantes :

  • Celles ayant pour objet de faciliter l’expulsion de squatteurs.

On relève, ainsi, la suppression du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux lorsque le juge constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait (article 201 de la loi ELAN modifiant l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution).

De même, les opérations d’expulsion pourront être menées pendant la trêve hivernale lorsque l’expulsion a été prononcée « en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait » (article 201 de la loi ELAN modifiant l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution)

  • La création d’un dispositif expérimental d’opérations d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation de locaux vacants.
Maître FORTAT