FAQ – Questions fréquentes sur l’expertise judiciaire en matière de litige construction

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L’expertise judiciaire est bien souvent envisagée comme une bouée de secours lorsque les relations entre les parties à l’actes de construire sont inextricables ou encore lorsque le chantier est abandonné, voire lorsque des graves désordres apparaissent après la réception.

Pour autant l’expertise judiciaire ne doit pas effrayer.

Elle présente de nombreux atouts, à condition toutefois de faire preuve d’une certaine dextérité compte tenu, à la fois, de la complexité de la matière et du caractère éminemment technique des investigations.

Sans prétendre à l’exhaustivité, la présente FAQ apporte des réponses aux principales questions que se posent les maîtres d’ouvrage, les constructeurs et leurs sous-traitants.

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I. Quand recourir à une expertise judiciaire ?

En matière de litige construction, l’expertise judiciaire est habituellement demandée en référé, avant tout procès au fond. Elle intervient généralement lors d’un désaccord profond entre les parties portant sur l’exécution, par l’une d’elles, de ses obligations techniques, voire financières.

Le recours à l’expertise judiciaire s’impose, par exemple, lorsque en dépit de l’apparition d’un désordre tel qu’une infiltration, un constructeur ou son assureur dénient leurs responsabilités et garanties.

Elle peut intervenir avant comme après la réception des travaux, pourvu dans ce dernier cas, que les actions en responsabilité ne soient pas encore prescrites.

II. Quels sont les avantages et quels sont les inconvénients de l’expertise judiciaire ?

Les avantages sont indéniables, ils permettent de préserver le plus efficacement possible et de manière redoutable les intérêts de son demandeur.

Les principaux avantages sont les suivants :

  • son opposabilité et sa portée contradictoire aux constructeurs et à leurs assureurs respectifs, ce qui n’est pas le cas d’une simple expertise amiable unilatéralement diligentée  ;
  • son effet interruptif de prescription des actions en responsabilité et/ou en garantie des vices cachés induit par la demande en justice ;
  • le bénéfice de l’avis d’un technicien indépendant des parties.

Les inconvénients de l’expertise judiciaire sont :

  • son coût et sa durée ;
  • sa grande technicité, y compris juridique !

Sans assistance d’un avocat intervenant habituellement en la matière et, le cas échéant, d’un expert amiable, une partie à l’expertise peut vite être désorientée, voire dépassée.

III. Comment obtenir la désignation d’un expert judiciaire ?

Lorsque la demande d’expertise judiciaire intervient avant tout procès, elle prend la forme d’une assignation en référé au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile :

S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile sont, quant à elles, inopposables à ce stade.

Lorsque la compétence juridictionnelle est celle du tribunal administratif, la demande d’expertise judiciaire est présentée en la forme d’une requête au visa des dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative :

Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction.

Dans les deux cas, la demande fait état de tous éléments permettant d’attester l’existence et la matérialité des désordres allégués. A cette fin, le demandeur produit habituellement un constat d’huissier ou un rapport d’expertise amiable permettant, d’ores et déjà, d’identifier les désordres et d’avoir un premier regard sur les responsabilités encourues.

IV. Quelle est la mission et quel est le rôle de l’expert ?

La mission de l’expert sera accomplie en fonction de la rédaction du dispositif de l’ordonnance le désignant.

En particulier, sa mission sera définie en fonction des demandes formulées par les parties et, en particulier, le demandeur.

La mission de l’expert inclut habituellement : la prise de connaissance de toutes pièces utiles, le déplacement sur les lieux après convocation des parties, la constatation des désordres allégués en demande, l’identification de leur(s) cause(s) et origine(s), la description de leurs effets, le chiffrage des préjudices matériels (travaux à réaliser pour remédier aux malfaçons) et immatériels, de type préjudice moral, la rédaction d’un pré-rapport puis d’un rapport définitif.

Son rôle consiste donc à nourrir le juge, qui sera ultérieurement saisi d’une action dite « au fond », de toutes considérations techniques qui lui feraient défaut s’il était saisi, en l’absence de tels renseignements, de demandes de condamnations.

V. En combien de temps puis-je obtenir la désignation d’un expert judiciaire ?

Le temps nécessaire à l’obtention d’une expertise judiciaire est variable. Il dépend du nombre d’adversaires, de leur vigueur dans l’exercice de leur défense et de la charge de travail du tribunal.

Sauf particularités, l’expertise est généralement obtenue dans un délai de 3 mois à compter de l’assignation.

VI. Quel est le coût d’une expertise judiciaire ?

Le coût représenté par l’expertise judiciaire comprend, à la fois, les frais du procès, la rémunération de l’expert, celle de votre avocat et de votre éventuel expert amiable.

Les frais du procès correspondent :

  • aux honoraires de votre avocat pour la rédaction de l’assignation, la rédaction d’éventuelles conclusions récapitulatives pour répliquer aux écritures adverses, sa présence à l’audience pour déposer le dossier ou, en cas de difficulté particulière, le plaider ;
  • sauf pour les mesures d’instructions demandées auprès du juge administratif, aux frais d’huissier pour délivrer l’assignation à chaque adversaire.

Les frais d’expertise correspondent :

  • aux honoraires de l’expert et de ceux de ses éventuels sapiteurs.

Habituellement, lorsqu’un expert est désigné, une consignation de l’ordre de 2 000 euros, à valoir ensuite sur ses honoraires, est mise au débit du demandeur.

Elle est, généralement, prise en charge par votre éventuel assureur de protection juridique (à supposer toutefois que les litiges constructions relèvent bien du périmètre de sa garantie, ce qui n’est fréquemment pas le cas).

Le règlement correspond à cette provision est adressé à la régie du tribunal pour consignation et doit être versée dans le délai fixé par l’ordonnance sous peine de caducité de cette dernière.

En cours d’expertise, lorsque l’expert estime que cette provision est insuffisante pour couvrir le montant de ses honoraires, il peut demander un ou plusieurs compléments de provisions.

Aussi, pour des questions techniques spécifiques qui ne relèvent pas de son champ de compétence, l’expert peut s’adjoindre celles d’un consultant, dit « sapiteur », lequel a donc vocation à percevoir ses propres honoraires en sus de ceux de l’expert désigné.

  • aux honoraires de votre avocat et des frais exposés par lui pour vous assister à chaque accedit (réunion d’expertise) et rédiger, dans votre intérêt, un ou plusieurs « dire » à expert;
  • aux honoraires de votre éventuel expert amiable directement mandaté par vous même lorsque l’assureur n’en a pas mandaté un.
VII. Quelle est la durée de l’expertise judiciaire ?

La durée de l’expertise judiciaire dépend de l’étendue et de la complexité de la mission confiée à l’expert.

Aussi, certains désordres peuvent impliquer des investigations lourdes afin d’identifier, de manière indiscutable, leur origine. Tel peut être le cas en matière d’infiltrations dans les parties privatives d’un immeuble en copropriété.

L’ordonnance de référé fixe la date à laquelle l’expert devra, sauf prolongation ultérieure accordée par le magistrat en charge du contrôle des expertises, remettre son rapport définitif au Greffe du tribunal.

VIII. Dans quelle forme échanger avec l’expert en cours d’expertise ?

Les parties s’adressent à l’expert par l’intermédiaire de leur avocat.

Ce dernier rédige un « dire » toutes les fois où il entend attirer l’attention de l’expert sur un point en particulier et communiquer toutes pièces utiles à la défense de vos intérêts.

Ainsi, aux termes des dispositions de l’article 276 du code de procédure civile :

L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Lorsque l’expertise est ordonnée par une juridiction administrative, les dispositions de l’article R. 621-7 du code de justice administrative s’appliquent :

Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l’expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l’avance, par lettre recommandée.

Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport.

Dans tous les cas, les échanges sont diffusés à l’ensemble des parties pour assurer le caractère contradictoire de l’expertise.

IX. L’expert judiciaire a remis son pré-rapport. Que faire ?

Une fois que l’expert remet son rapport, une tentative de règlement amiable du litige peut être envisagée.

A défaut d’accord sur une solution amiable, il convient de saisir le juge, au fond pour obtenir toutes condamnations à des dommages et intérêts.

Dans certaines hypothèses, et en particulier en matière de garantie de parfait achèvement, la saisine du juge du fond doit être envisagée en cours d’expertise pour interrompre à votre bénéfice le délai de forclusion.

X. Je suis défendeur à une expertise judiciaire. Que faire ?

Le défendeur peut contester la légitimité des motifs allégués par le demandeur (article 145 du code de procédure civile), ou l’utilité de la mesure (article R. 532-1 du code de justice administrative) pour tenter d’être mis hors de cause.

Habituellement et par sécurité, le défendeur formule, à tout le moins et à titre subsidiaire, ses protestations et réserves d’usage à l’endroit de la mesure sollicitée et des actions envisagées au fond.

Il procède, par ailleurs, à la mise en cause de son assureur et de son ou de ses éventuels sous-traitants lorsque les désordres allégués sont susceptibles de trouver leur origine dans les travaux qu’ils ont réalisés.

Le défendeur peut formuler, à titre reconventionnel, une demande de provision.

Le défendeur peut demander, aussi, tous ajustements de la mission envisagée afin de statuer, par exemple, sur les comptes entre les parties.

Maître FORTAT