L'obligation de paiement des loyers commerciaux vs Covid-19 : que faire ?

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En cette période de confinement forcé, plusieurs arrêtés de fermeture des lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques, ainsi que des commerces ne présentant pas un caractère indispensable ont été pris et vous vous posez certainement la question légitime du sort de vos loyers commerciaux.

Je rappelle, en liminaire, que sont interdits d’ouvrir au public jusqu’au 15 avril 2020, les établissement suivants:

- salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;

- magasins de vente et centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes ;

- restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le “room service” des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;

- salles de danse et salles de jeux ;

- bibliothèques, centres de documentation ;

- salles d’expositions ;

- établissements sportifs couverts ;

- musées ;

- chapiteaux, tentes et structures ;

- établissements de plein air ;

- établissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement.

[Arrêté du 14-3-2020 : JO 15 ; Arrêté du 15-3-2020 : JO 16]

BON A SAVOIR…

1.

Si vous êtes directement intéressé par ces fermetures contraintes et forcées, cela implique du côté du Bailleur que celui-ci ne réponde plus à son obligation de délivrance et de votre côté en qualité de Preneur à bail, que vous soyez privé totalement de jouir desdits locaux.Cette situation vous donne la possibilité de vous opposer au règlement de vos loyers échus ou à échoir pendant cette période de fermeture imposée en invoquant :

  • le cas de force majeure caractérisé par le CORONAVIRUS empêchant toute exploitation
  • et/ou le mécanisme de l’exception d’inexécution. Suivant les dispositions de l’article 1220 du code civil, une partie peut, en effet, suspendre l'exécution de son obligation (notamment de paiement) dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle.

EN PRATIQUE, que faire ?

Je vous recommande vivement de rédiger un courrier à l’attention de votre Bailleur dans les plus brefs délais et ce, par courrier recommandé avec accusé de réception que vous pourrez adresser, en cette période, en ligne sur les services de la Poste. Vous indiquerez que vous entendez procéder à la suspension de vos loyers pour les motifs susmentionnés.

ATTENTION : Veillez cependant, au préalable, à vérifier votre bail commercial et les modalités particulières que celui-ci pourrait stipuler et qu’il conviendrait de respecter.

2.

Si vous poursuivez l’exploitation de votre activité mais subissez une diminution importante de votre chiffre d’affaires immédiatement en lien avec le CORONAVIRUS, il est moins aisé de suspendre vos loyers en invoquant le cas de force majeure.

Cela étant, juridiquement, suivant les dispositions de l’article 1195 du code civil, si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue cependant à exécuter ses obligations durant la renégociation et donc à payer les loyers.

C’est la théorie dite de l’imprévision.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.

EN PRATIQUE, que faire ?

Je vous recommande, dans un premier temps, de réunir l’ensemble des éléments comptables et financiers (bilans, prévisionnel 2020) permettant de mettre en exergue la diminution de votre chiffre d’affaires et dans un second temps, sur la base des éléments réunis, de rédiger un courrier à l’attention de votre Bailleur, et ce, par courrier recommandé avec accusé de réception au terme duquel vous sollicitez la renégociation du prix de votre loyer en cours. Cela impliquera de proposer concrètement un nouveau prix du bail et de poursuivre dans l’attente d’un accord de votre Bailleur, le règlement de vos loyers.

Selon les cas, la force majeure pourrait encore être invoquée au soutien de la suspension du paiement de vos loyers mais au risque de voir un Juge considérer le contraire en ce cas d’épidémie COVID 19.

ATTENTION : ces éléments sont énoncés sous toute réserve de la date de signature ou de renouvellement de votre bail et d’analyse des clauses qu’il contient, celui-ci étant susceptible d’exclure la théorie de l’imprévision notamment.

3.

Si vous recevez un commandement de payer de votre Bailleur, il faudra le contester en saisissant le Juge.

Maître Sarah MERCIER, Avocat associée