Quelle portée donner aux chartes de l’urbanisme ?

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A l’heure à laquelle les Communes cherchent à reprendre la main sur la configuration des projets immobiliers portés par les opérateurs privés sur leur territoire, il faut se souvenir qu’entre temps et pour la plus part d’entre elles, la compétence correspondante a été transferée automatiquement au profit des intercommunalités suite à l’intervention de la loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové). A l’échelle territoriale desdites intercommunalités, ces dernières élaborent en effet le plan local d’urbanisme dit intercommunal (PLUi).

L’élaboration d’un tel document est complexe, et la diversité des territoires couverts tend souvent, à la faveur d’un effet de dilution, à faire disparaître les spécificités locales des anciens documents de planification communale. C’est dans ce contexte que fleurissent dans nombres de villes des chartes de l’urbanisme que les opérateurs privés sont invités à respecter au stade de la conception de leur projet.

En pratique ces chartes définissent les caractéristiques des projets à la faveur d’ateliers de co-production qui sont l’occasion, pour la collectivité, d’imposer des caractéristiques qui ne résultent pas nécessairement du document d’urbanisme applicable.

Quelle valeur leur donner ?

L’examen de la jurisprudence antérieure nous apprend que le procédé n’est pas nouveau.

Plusieurs collectivités ont par le passé tenter de maîtriser l’urbanisme commercial au sein de leur territoire en instaurant une charte d’urbanisme commercial. Le tribunal administratif administratif de Rennes a jugé qu’une telle charte d’urbanisme commercial est dépourvue de toute portée réglementaire (TA Rennes, 16 octobre 2014, n° 0904265). Rien d’illogique.

Dans un exemple récent relatif à une « charte de l’urbanisme et du cadre de vie » approuvée par délibération du conseil municipal d’une commune membre d’une métropole, le tribunal admininistratif censure cette délibération pour incompétence.

En l’espèce, le tribunal a considéré que cette charte fixe des règles impératives dès lors qu’elle a entendu « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » et fixer des « engagements » qui « devront être scrupuleusement appréhendés dans chaque opération » par les opérateurs immobiliers signataires. Or, cette charte enfreint les dispositions du code de l’urbansime transférant la compétence de l’aménagement du territoire à la métropole, d’une part et, d’autre part, le tribunal rappelle que :

« les demandes relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation des constructions ne peuvent être instruites que dans les conditions fixées par les dispositions législatives et réglementaires du code de l’urbanisme, qui définissent de manière limitative les informations ou pièces pouvant être exigées par l’autorité compétente. » - TA Rouen, 26 janvier 2023, n° 2202586.

La pratique révèle encore que pour tenter ce contourner cette solution évidente rappelée par le tribunal de Rouen, des chartes organisent des circuits de pré-instruction du dossier pétitionnaire d’une opération immobilière. Les porteurs de projet sont invités à y participer pour éviter un refus de leur demande.

Mais c’est oublier qu’au vu des solutions précitées, la délivrance du permis ne peut être subordonnée à l’acceptation de la charte ou encore à la participation à ce processus de co-construction.

En pratique, le porteur de projet aura surtout intérêt, quoiqu’il décide des suites à réserver à cette charte de l’urbanisme, de confier l’audit de son dossier pétitionnaire au Cabinet pour s’assurer de la conformité de son projet au document d’urbanisme et ainsi équilibrer les échanges en « commission », ou encore contester ultérieurement le refus qui lui serait irrégulièrement opposé.

Maître Nicolas FORTAT

Avocat associé